Froid dans ta vie
Aguila, Berthoux, Courboulex, Gesrel
Sur son banc, elle est seule avec son désespoir, Muette au professeur, sourde aux appels du monde. Dix sept ans aujourd'hui et l'angoisse qui gronde... Une vie funambule sur le fil du rasoir.
Depuis trois ans déjà, sa mère s'en est allé En les abandonnant, elle et sa soeur Lucie. Trois ans de gris, de pluie et de rage enfouie : Si souvent, dans son lit, son père s'est glissé.
Il fait froid dans ta vie, tu n'espères plus rien. Il fait froid dans ta vie, plus rien ne te retient.
Elle rentre chez elle engourdie par le froid, Sous le regard glacé des cités oppressantes. Un ivrogne s'approche; elle est toute tremblante : Elle pense à son père et sa haine s'accroit.
L'ascenseur est en panne; elle prend l'escalier... Machinale, elle monte... il lui faut être forte. Ell' s'arrête, affolée, sur le pas de la porte, Assaillie par des cris qu'ell' croyait oubliés.
Il fait froid dans ta vie, tu n'espères plus rien. Il fait froid dans ta vie, plus rien ne te retient.
Vite elle ouvre la porte, court au bout du couloir, Voit le père enfiévré sur le corps de Lucie... Il ne faut pas attendre ou sa sœur est finie ! Elle va chercher l'arme cachée dans le tiroir.
Elle s'approche de l'homme et le vise avec l'arme. Elle ferme les yeux, appuie sur la gâchette : Il s'écroule et son sang coule sur la moquette... Lucie serre sa sœur qui lui sèche les larmes.
Il fait froid dans ta vie, tu n'espères plus rien. Il fait froid dans ta vie, plus rien ne te retient.
Sur son lit elle est seule avec son désespoir; Image des voisins qui éloignent la sœur. Elle fixe la rue, la fin de ses malheurs... Elle prend son envol... Elle est morte ce soir.