En mars 1884, alors qu'il se trouve à Cannes, Guy de Maupassant reçoit une lettre d'une jeune femme désireuse de garder l'anonymat :
« Maintenant écoutez-moi bien, je resterai toujours inconnue (pour tout de bon) et je ne veux même pas vous voir de loin, votre tête pourrait me déplaire, qui sait ? Je sais seulement que vous êtes jeune et que vous n'êtes pas marié, deux points essentiels même dans le bleu des nuages. Mais, je vous avertis que je suis charmante ; cette douce pensée vous encouragera à me répondre. »
Signature : Madame R.D.G., poste restante, bureau de la Madeleine.
Guy se demande qui peut bien être cette femme mystérieuse qui souhaite devenir sa confidente. Il est intrigué autant que séduit. Il engage immédiatement, avec fébrilité, une correspondance avec elle.
Il s'agit de Marie Bashkirtseff, une jeune aristocrate russe, qui laissera un Journal dans lequel elle note ses réflexions sur Guy dont le comportement oscille entre la curiosité, le plaisir du badinage et l'exaspération née des conditions initiales imposées par son énigmatique correspondante.
L'échange fut bref, de mars à mai 1884, car, la malheureuse, phtisique, est condamnée. Elle mourra six mois plus tard, le 31 octobre 1884, à 24 ans.
Très vite, l'écrivain adopte un ton un peu désinvolte :
« Vous pouvez être, il est vrai, une femme jeune et charmante dont je serai heureux, un jour, de baiser les mains ? Mais vous pouvez être aussi une vieille concierge nourrie des romans d'Eugène Sue ? Vous pouvez être une demoiselle de compagnie lettrée et mûre et sèche comme un balai ? Au fait, êtes-vous maigre ? Pas trop, n'est-ce pas ? Je serais désolé d'avoir une correspondante maigre. Je me méfie de tout avec les inconnues. Êtes-vous une mondaine ? Une sentimentale ? ou simplement une romanesque ? ou encore simplement une femme qui s'ennuie - et qui se distrait. »
Il répond à cette femme dont il ignore tout avec l'espoir qu'elle réponde à un idéal rêvé ? Avec distance cependant, car le viveur épris de jouissances très concrètes reparaît bien vite sous le galant badinage, comme s'il se méfiait instinctivement de tout ce qui sort des cadres habituels d'une séduction sans conséquence.
Maupassant devinera pourtant l'identité de sa mystérieuse correspondante. Un certain nombre de témoignages affirment qu'ils se seraient rencontrés à Nice, dans le jardin d'une villa de Cimiez. Après sa mort, quelque peu affecté, l'écrivain planta un figuier à l'endroit même de leur rencontre. Pourquoi un figuier ? Parce qu'il s'agit de l'arbre du pêché originel et que Guy de Maupassant était un fieffé débauché.
La villa a disparu pour laisser place à un immeuble moderne, mais l'arbre est toujours là, et, chose remarquable, il est fait de trois tronc dont deux sont étroitement et amoureusement enlacés.
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