« Sous le tilleul, sur la lande, où fut notre couche à tous deux, vous pourrez trouver, joliment foulées, et les fleurs et l'herbe. » Walther von der Vogelweide

« Mon Dieu, écrivait Colette, respirer le tilleul quand il est volcan d'abeilles, un buisson de fleurs rousses, le rival de l'oranger, l'insidieux amant, le pollen en pluie d'or, n'est-ce pas assez ? Et bouilli, il lui incombe encore de guérir nos fièvres ! »

Que ce soit en Puisaye ou dans le Mâconnais, la Bourgogne est une terre d'accueil de premier choix pour cet arbre solitaire, humble et résistant. À Cluny, notamment, nombreuses sont les histoires de tilleul. Dans la cour d’honneur des Haras nationaux, il en trône un, superbe. En 1806, Napoléon 1er, dont les campagnes nécessitent de nombreux chevaux, décide la création de 30 dépôts d'étalons dont celui de Cluny. Les premiers chevaux sont hébergés dans les écuries de St Hugues, puis à partir de 1811 dans les bâtiments actuels qui furent construits en préservant le tilleul planté pendant la Révolution.

Le 4 germinal de l’an I (soit le 24 mars 1793), un groupe important de sans-culotte se réunit sur un terre-plein situé au nord-est de l’abbaye, toujours entière, pour planter un arbre de la Liberté. Il y a là des gens venus de Cluny, Mazille, Berzé, Bourgvilain, Clermain, Brandon… Parmi les personnes de cette dernière bourgade, il y a un certain Claude Bertoud, mon aïeul, alors âgé de 39 ans.

Le 2 floréal an VI (le 21 avril 1798), l’abbaye est vendue pour 2.014.000 francs au citoyen Batonard et à ses deux associés, Vachier et l’abbé défroqué Genillon. En 1823, la destruction est achevée, il ne reste que les merveilleux vestiges que constituent le clocher de l’Eau-Bénite, le clocher de l’Horloge et ce qui était le cimetière des moines. Lorsque Napoléon commande la construction du haras de Cluny, l’arbre de la Liberté planté quelques années auparavant gêne les plans de l’architecte qui décide de l’abattre. Aussitôt, se fait une levée de boucliers : pas question de toucher au tilleul ! Un bras de fer s’ensuit, qui durera 17 jours, entre le peuple qui monte la garde devant l’arbre symbolique et l’administration bornée et autoritaire. C’est Pierre de Lamartine (père du poète), accepté par les deux parties comme médiateur, qui donnera la solution. L’arbre fut purement et simplement déplacé de son lieu primitif à l’endroit qu’il occupe toujours aujourd’hui et qui se trouve dans la grande cours d'entrée desdits haras.   

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